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Bigorne, les Deux-Mamelons, la Pierre-aux-Femmes les Dirouilles, tous ces athlètes de la tempête, mâcheurs d’écume et damnés de l’abîme, dans l’air doux, dans l’aube qui les baignait, semblaient reprendre haleine, comme lassés, bénir le ciel qui leur accordait cet instant de répit, mornes, résignés, prêts à de nouveaux combats. Les belles eaux vertes, qui revenaient du large, couraient maintenant au travers de leurs rangs immobiles comme de grands fleuves marins, comme des torrents subitement déchaînés, les enveloppaient de circuits écumeux, creusaient des remous, des entonnoirs autour des brisants submergés, se ruaient dans les cavernes vomissantes, emplissaient ces solitudes farouches des bruits profonds et tumultueux de l’Océan en travail. Une double lumière jouait, en le colorant, sur ce paysage d’une sauvagerie inoubliable : celle du soleil qui se levait rouge et sans rayons à l’Orient brumeux ; celle de la lune qui se couchait toute blanche à l’Occident encore illuminé par la clarté stellaire.


V


Comme je regagnais la Marmottière, couronnée d’un groupe de maisonnettes que je n’avais pas remarquées la veille à notre arrivée, à cause de l’obscurité, je ne fus pas peu surpris de lire au dos d’une de ces constructions récentes et à gauche de la fenêtre unique dont la muraille est percée :