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« Tout est là dedans », nous dit-il. Une grive, avec sa gorge perlée, l’œil éveillé, nous regarde, perchée sur le barreau d’une cage d’osier, accrochée à la paroi. Il y a dix ans, un jour d’hiver, elle s’est abattue, fatiguée, sur Blanque-Île. Maître Philippe l’a recueillie, c’est son unique compagne.

— Et votre femme ? lui demande Foubert ; comment se porte mistress Pinel ?

— Ma femme est retournée à Jersey. Elle s’ennuyait ; elle est vieille. Quand vous reviendrez, monsieur Foubert, amenez-m’en donc une jeune !

Je cherche des yeux la couche nuptiale où pourrait s’accomplir ce tardif hyménée. Il n’y aurait pas haut à monter. Deux rangs de pierres plates plantées debout dans l’aire et formant retrait ; un lit de varech et pour chevet la muraille : c’est l’alcôve.

— Mon matelas et ma couverture sont dehors, nous dit maître Philippe, qui a comme surpris mes réflexions ; je les ai mis au frais hier soir ; mais voilà le matin, je vais les rentrer à cause de la rosée.

Toujours en chemise et toujours pieds nus, il prend sa lampe et nous sortons avec lui. Une fois dehors, il nous fait visiter son domaine, — édifié tout entier de ses propres mains. Deux constructions en pierre, dont on peut toucher le toit à la main, flanquent à droite et à gauche la maison d’habitation. Dans l’une est la citerne qu’alimente l’eau des pluies. Il n’y a pas de sources aux Écrehou. Dans l’autre est le four avec le poulailler. Une douzaine de poules et de coqs superbes dorment rangés sur leur double perchoir. Maître Philippe est toujours approvisionné de pommes de terre, de grain et de farine. Il fait son pain lui-même. Le four est de son invention. C’est une