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III

Bien lestés, nous dégringolons tous les quatre des hauteurs de la Marmottière qu’une chaussée de galets, longue d’une centaine de mètres, que le flot submerge et découvre à chaque marée, relie naturellement à Blanque-Île.

Avec la Marmottière et Maîtresse-Île, Blanque-Île est le seul point de cet amas de roches, à peu près à l’abri des grandes marées d’équinoxe. C’est là que depuis trente-neuf ans vit maître Philippe Pinel, le roi des Écrehou. Son habitation, posée de travers sur la crête de cet îlot farouche, se détache nettement, au clair de lune, sur l’horizon étoile. Maître Philippe est Jersiais. Dans sa jeunesse il faisait la pêche, allait et venait souvent de Jersey aux Écrehou. Il finit par s’y fixer. Un vrai sauvage, celui-là, et qui m’avait devancé dans mon rêve. Sa barque qui ne prendra plus la mer gît, la coque renversée, à quelques pas de sa cabane de galets. Des mauves gigantesques, les seules plantes qui croissent à Blanque-Île, l’enveloppent de leurs hautes hampes défleuries. Elles mettent également leur pâle rideau devant l’ermitage du solitaire.

Rachine, qui le connaît, frappe à la porte.

— Quê-che qu’est là ?

— Amis !

Le logis s’éclaire. La porte, qui n’a ni gonds ni verrous, glisse sur ses rainures.

— Bonsoir, maître Philippe.