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crochés, une lanterne, une poêle à frire, des engins de pêche, des hottes d’osier, tout le pêle-mêle, tout le désordre poussiéreux d’un vide-bouteilles abandonné à la hâte — depuis longtemps. Une marmite est dans la cheminée, à cheval sur un tas de cendres de varech. Je fais du feu. Foubert, en sa qualité de propriétaire, a déjà saisi le balai et nettoie la place ; le docteur Demay témoigne de ses connaissances anatomiques par la façon toute spéciale avec laquelle il éventre et dissèque un énorme chou de Milan ; Rachine ratisse les pommes de terre, fourbit la vaisselle, taille le pain dans la soupière et bientôt je me trouve à même de dresser une maîtresse soupe à la graisse dont l’odeur alléchante embaume la cahute ; ce qui — soit dit en passant — n’était pas malheureux. N’empêche que nous allons manger dehors. La plate-forme du rocher nous sert de table. Nous soupons longuement, joyeusement, assis par terre, à la clarté de la lune dont la mer que nous dominons, que nous respirons, est tout illuminée : renidet luna mari ! Et vin sur cidre, et le café, et les chansons !

— Si nous continuons, fit observer Foubert, nous allons réveiller le roi des Écrehou.

— Allons plutôt le voir, dit Demay ; à cette heure, il doit être chez lui ; la mer est presque basse ; nous pourrons aborder Blanque-Île à pied sec.

— Et emporter une bouteille de cognac pour être les bienvenus, appuya Rachine.