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Avec les carnassiers leurs victimes sans nombre,
Les aveugles du jour et les hydres de l’ombre ;
Tu verras contre toi combattre au premier rang
L’esclave armé qui sert de rempart au tyran.

La lutte sera trop inégale peut-être.
Sous l’effort combiné du despote et du reître,
Peut-être verras-tu s’éclipser ton grand nom,
Et s’effondrer au choc ta puissance... Mais non !
Tu sauras museler cette meute hagarde.
Marche sous l’œil de Dieu qui là-haut te regarde ;
Va vers ta destinée à n’importe quel prix ;
Subis ta sainte loi : civilise... ou péris !

Oui, péris, s’il le faut, ― pardonne à ce mot sombre ! ―
Ainsi qu’un grand navire incendié qui sombre,
Ou plutôt comme l’astre immense qui s’éteint,
Le soir, dans les brasiers de l’horizon lointain,
Drapé dans les replis d’une pourpre sanglante,
Et qui, longtemps après que sa masse aveuglante
S’est engloutie au loin dans les cieux entr’ouverts,
De ses rayons mourants dore encor l’univers !