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Quarante ans, sans faiblir, au joug de l’oppresseur
Il opposa ce poids immense, sa parole.
Il fut tout à la fois l’égide et la boussole ;
Fallait-il résister ou fallait-il férir,
Toujours au saint appel on le vit accourir ;
Et toujours à l’affût, toujours sur le qui-vive,
Quarante ans de son peuple il fut la force vive !

La persécution, ne pouvant l’écraser.
Avec l’appât, un jour, tente de l’apaiser.
Alors du vieux lion l’indomptable courage
Frémit sous la piqûre et bondit sous l’outrage.
Vous savez tous, ô vous que sa verve cingla,
Ce qu’il vous fit payer pour cette insulte-là !
Ô les persécuteurs arrogants ou serviles.
Fauteurs intéressés de discordes civiles,
Comme il vous foudroyait de son verbe éclatant !
Il savait être doux et pardonner pourtant.
Plus tard, après l’orage et les luttes brillantes.
Ni les longs jours d’exil, ni les haines sanglantes.
Ni les lazzi moqueurs, ni l’oubli des ingrats
— Quand l’athlète vaincu sentit vieillir son bras —
Ne purent ébranler cette âme fière et haute.