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Le vieux Luc Sauriol, stupéfait, confondu,
En se rongeant les poings avait tout entendu.
Lorsque tomba la plume, il se leva, farouche,
Pris son fils à l’écart, et l’index sur la bouche,
Le regarda longtemps un éclair dans les yeux.

― J’ai compris, lui dit Jean, serrant la main du vieux.

Puis, prenant son fusil de chasse d’un air sombre,
Il entr’ouvrit la porte et disparut dans l’ombre.

Le père ni le fils n’avaient capitulé.

Tout près, un chemin creux serpentait, accolé
Au pied d’un mamelon où des quartiers de roche
Avaient été rangés pour défendre l’approche
Des postes avancés par cette route-là.
Les officiers anglais devaient passer par là,
Au milieu de la nuit, pour rejoindre leurs lignes.

Pour la première fois infidèle aux consignes,
Jean Sauriol y court, prend la chaîne d’un puits,
En barre fortement l’étroit passage, et puis
Monte sur les hauteurs se mettre en embuscade.
Quelques instants après, la noire cavalcade,
Avec un long éclat de rire goguenard,
S’engouffrait au grand trot au fond du traquenard.