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Dames de haut parages ou filles des chaumières,
Qui laissaient tout, famille, amis, brillants partis,
Pour venir apporter les divines lumières
Aux petits d’entre les petits !

Et mon cœur tressaillait ; car jamais, ô vieil arbre !
À nul fronton superbe, au seuil de nul tombeau,
Je n’ai rien vu, fouillé dans le bronze ou le marbre,
De plus touchant et de plus beau,

Que celle qui porta le nom de La Peltrie,
Sainte veuve, enseignant, sous tes ombrages frais,
Avec le nom de Dieu le grand mot de Patrie
Aux petits enfants des forêts ![1]

  1. Mme de la Peltrie, fondatrice des ursulines de Québec, fut l’une des plus belles figures de notre histoire. Elle s’appelait de son nom propre Marie-Madeleine de Chauvigny, et appartenait à la haute noblesse normande. Elle épousa, à dix-sept ans, un jeune gentilhomme du nom de La Peltrie, qui mourut cinq ans après. Alors elle décida de consacrer sa vie et sa fortune à l’instruction des petits sauvages du Canada. Mais son père, qui l’adorait, voulait la marier à un certain M. de Bernières. Elle s’entendit avec ce dernier, qui lui-même avait fait vœu de chasteté, pour simuler un mariage ; et, son père étant mort, elle s’embarqua à Dieppe, le 4 mai 1639, pour le Canada, avec cinq autres religieuses, au nombre desquelles se trouvait la fameuse Marie de l’Incarnation. En touchant la terre du Canada, toutes se jetèrent à genoux et baisèrent le sol. Le vieux frêne dont il s’agit ici se trouvait enclavé dans la cour du monastère fondé par la sainte veuve, et la tradition veut que ce soit sous son ombrage qu’elle allait s’asseoir de préférence pour enseigner la lecture et le catéchisme aux petites filles des Hurons. Quand il fut renversé par une tempête, le 24 juillet 1867, on l’appelait encore « le frêne de Mme de La Peltrie ».