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Son ombre avait couvert bien des bivouacs sauvages,
Abrité bien longtemps des hordes aux flancs nus,
Tandis que le grand fleuve à ses mornes rivages
Jetait ses sanglots inconnus.

Il savait des secrets que nul œil ne devine ;
Quand, un jour, face à face, il vit ― aspect troublant ―
Sur le même rocher surgir la croix divine
Et la hampe d’un drapeau blanc.

Et puis, de siècle en siècle et d’année en année,
L’arbre antique vécut ― flux et reflux du sort ―
La légende sublime où notre destinée
A pris son incroyable essor.

Il vit tous nos héros ; il vit toutes nos gloires ;
Il vit nos fiers travaux et nos saints dévoûments ;
Il vit notre abandon, nos stériles victoires,
Avec leurs sombres dénoûments ;