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Et ces loups se sont dit : « L’affaire est assurée ;
« Le bercail est à nous ; à l’œuvre ! à la curée !
« Déchirons, massacrons, pillons à qui mieux mieux !
« Nous pouvons attaquer sans craindre de riposte :
« Le berger dort au lieu de veiller à son poste,
« Et le dogue est devenu vieux. »

Et Satan regarda s’accomplir l’œuvre immonde…
Il est de ces horreurs dans l’histoire du monde ;
Il est de ces points noirs aux pages du destin.
Le mal comme le bien a parfois grandi l’homme ;
Le crime a ses héros… mais l’avenir les nomme
Judas, Erostrate ou Mandrin !

Tout un peuple vendu, là, sans pitié, sans honte,
Pour quelques vils écus, pour un titre de comte,
Pour quelque parchemin plus ridicule encor !…
Et pour mettre le comble à ce scandale obscène,
Un triste aveuglement donne à l’horrible scène
Le sanctuaire pour décor.

Puis, hourrah !… la ribote a ses franches coudées ;
Et, comme chacun fuit les fanges débordées,
À l’assaut du pouvoir elle monte en vainqueur.
Un Jocrisse-Harpagon prend le sceptre du maître
Tartuffe est grand-vizir, Roquelaure grand-prêtre,
Et Lacenaire ambassadeur.

Pour grossir dignement leurs cohortes impies,
Ils ont tout convoqué, requins, vautours, harpies,
Va-nu-pieds de l’honneur, héros de guet-apens,
Hardis coquins, obscurs filous, puissants corsaires,
Bretteurs, coupe-jarrets, renégats et faussaires,
Bandits, voyous et sacripants !