Page:Fréchette - La Voix d’un exilé - 1868.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 8 —


Ce lieu, c’est le berceau, c’est la rive chérie,
Montagne, plage aride, ou campagne fleurie,
Coin de terre où, chétif, l’homme a reçu le jour ;
Qu’on l’appelle Pologne, Irlande ou Sibérie,
Sables, glace ou pampas, c’est toujours la Patrie.
Et ce nom-là veut dire Amour !

Je t’aime, nom sacré, sublime symphonie
Dont la mélancolique et suave harmonie
M’apporte en souvenir tant d’espoir envolé ;
Toi qui fais les grands cœurs, au jour des grandes crises ;
Toi qui chantes partout, sur les flots, dans les brises,
Toi qui fais pleurer l’exilé !

Toi qui sais le secret des dévouements stoïques ;
Toi qui créas les preux des âges héroïques,
Bayard et Washington, Hoche et Napoléon ;
Toi qui fit Jeanne d’Arc d’une humble jeune fille ;
Toi qui jettes au vent les tours de la Bastille ;
Toi qui peuples le Panthéon !

Oui, je t’aime ! et pourtant, sur ma lyre attendrie,
Quand je veux te chanter, beau nom de ma patrie,
L’amertume toujours attriste mon refrain ;
Les paroles d’amour se glacent sur ma bouche,
Et puis je ne sens plus, sous mon ongle farouche
Frémir que des cordes d’airain.

Ô ruisseaux gazouillants, ô brises parfumées,
Accords éoliens vibrant dans les ramées,
Soupirs mélodieux, sons suaves et doux,
Trémolos qui montez des frais nids de fauvettes,
Voluptueux accents qui bercez les poètes,
Chants et murmures, taisez-vous !