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MONTFERRAND

Et dépliant son bras droit, il attira l’attention de Dubois sur la garde de gauche, mais aussitôt le poing gauche de Montferrand s’abîma sur l’oreille droite du grand Baptiste, qui n’entendit plus jamais rien de ce côté de la tête. Quand on le releva, il balbutiait :

— Ça vaut un coup de pied de cheval !

Lorsque Dubois eut amassé cinq cents piastres, il alla finir ses jours chez les Sœurs de la Longue-Pointe, disant toujours aux gens qui lui parlaient de sa surdité :

— Mon oreille droite est sourde. C’est une claque de Montferrand. Il ne fendait pas la peau, mais il assommait. Il frappait comme un coup de pied de cheval.

* * *

Gilmore, établi à Montréal en 1847, avait conquis la palme de champion de la boxe dans toute l’Amérique. Il était d’une taille colossale. Ses leçons étaient très recherchées. Il attendait son maître, disait-il souvent. Ce maître ne venait pas, et Gilmore grandissait aux yeux de ses admirateurs. Un jour qu’il jouait aux quilles, on lui annonça que Montferrand se tenait près de lui. De suite, et fort poliment, il offrit les gants à l’athlète. Son déplaisir fut immense lorsqu’il eut tâté l’adversaire qu’il croyait pouvoir vaincre avec facilité. À l’instar de O’Rourke, il commit la faute de se monter la tête. Dès lors, arrachant ses gants, il transforma le combat. Montferrand répugnait à ce genre de querelle et se contenta de parer quelques