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MONTFERRAND

En effet, on ne peut lui reprocher de s’être engagé dans des luttes pour le plaisir de manifester sa force ou sa vaillance. Il y avait un fond de chevalerie dans son cœur et dans son imagination. Au moyen-âge il eût porté la lance et la hache d’arme avec éclat, pour Dieu, sa dame et son roi.

* * *

À partir de 1840, il n’alla plus dans les forêts au-dessus de Bytown. Il guidait les radeaux de bois flotté, depuis cette ville jusqu’à Québec. Un jour, près de la rivière du Nord, il laissa échapper quelques paroles assez vives contre l’un de ses hommes appelé ordinairement le grand Baptiste Dubois. Rendu à l’Abord-à-Plouffe, Dubois songea à se venger.

— Monsieur Joe, dit-il, j’aimerais à prendre une leçon de boxe selon les principes.

— C’est bon, mais il ne faudra pas te fâcher.

— Soyez certain que je ferai attention.

Dubois était par la taille et la force l’égal de Montferrand ; il a raconté à M. J.-B. Lamontagne que son intention était de frapper un bon coup afin de donner à réfléchir à Montferrand. Le coup fut tel (en pleine poitrine) que Montferrand culbuta et faillit perdre connaissance. Il se remit et marcha sur son adversaire. Dubois, étonné de cette prompte résurrection, n’eut que le temps de lui dire :

— Pas avec les pieds !

— Tiens-toi bien, grand Baptiste !