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MONTFERRAND

dégrossi, avide de luttes et rude envers les autres comme il l’était parfois pour lui-même. Je tiens à faire ressortir son mérite, maintenant qu’il n’est plus et que son nom semble destiné à prendre place dans nos annales historiques.

* * *

Montferrand religieux fervent — cela étonne tout d’abord. On se figure ce redoutable athlète ne craignant ni Dieu ni diable, selon l’expression populaire. Cependant tel n’était point le cas. Chaque fois qu’il s’est trouvé dans quelque péril, il a invoqué la Sainte-Vierge pour qu’elle lui donnât du courage et ce qui est plus remarquable, il avouait cela à ses camarades, très peu enclins à la dévotion, la plupart même libres penseurs.

M. Bastien, son compagnon de voyage, dit que jamais Montferrand n’a laissé coucher ses hommes pendant le mois de mai, sans leur faire dire en commun le chapelet, et que toujours, quand sa cage était ancrée à proximité d’une église, il emmenait ses hommes à la messe le dimanche, ne laissant sur la cage que le cuisinier.

Ses camarades, qui étaient fiers de lui, le réprimandaient quelquefois d’avoir refusé la bataille. À cela il répondait :

— J’ai promis à ma mère et à la Sainte-Vierge de n’agir que si je voyais une chose mauvaise, un tort, une insulte imméritée ou le fort opprimant le faible.