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MONTFERRAND

Montferrand ne stationnait nulle part sans faire acte de galanterie. À la ville comme au village, ses soirées appartenaient aux dames. Avec sa jovialité, l’entrain de ses manières, la politesse qui était innée en lui — et sa réputation d’homme invincible… et irrésistible, disons le mot, il attirait tous les regards, captivait les cœurs et régnait par droit de conquête dans les cercles qu’il fréquentait. Mille jalousies étaient le résultat de cette conduite, mais l’Adonis, à la fois hercule et bon vivant, n’en tenait pas compte. De tous temps, la beauté s’est plu à soumettre les hommes forts. Il s’en suivait que les rivaux de Montferrand étaient souvent des types peu ordinaires — et s’il a soutenu des combats contre quelques-uns de ses propres amis ou compatriotes, c’est dans cette situation qu’il faut en rechercher la cause. De là aussi ces attaques nocturnes, ces surprises qui tiennent du roman et dont sa carrière fut remplie. De là également le prestige de sa renommée, car notre peuple fait toujours la mesure très large à celui qui fascine le beau sexe et qui s’expose au danger en son honneur.

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J’emprunte à M. Montpetit la substance de l’anecdote suivante : Un jour que Montferrand avait invité plusieurs de ses hommes à se désaltérer dans un petit hôtel bien tenu, il fut étonné en entrant de voir que les figures de la maison n’étaient plus les mêmes. L’ancien propriétaire avait changé de résidence.