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MONTFERRAND
lins, caché sous le comptoir, se montra soudain et brisa le verre dans lequel Montferrand buvait. Ce fut un éclair. Montferrand se pencha par-dessus le comptoir, saisit Collins aux deux flancs et le lança dans la cheminée, où il eût grillé jusqu’aux os sans l’aide que lui portèrent les assistants. Il ne demanda pas son reste. Cela mit fin aux fanfaronnades de plusieurs fiers-à-bras qui imitaient Collins.

Pourtant, les amis de Collins intervinrent et une rencontre sur la grève fut décidée. C’était en 1830. À la première passe, Montferrand appliqua un vigoureux coup de poing sur l’oreille de Collins — et on crut le malheureux assommé pour jamais. Il se rétablit cependant. En 1832, le choléra lui valut la chance d’être compté un instant pour mort. Avant que de parvenir à la Pointe à Callières, (aujourd’hui place de la Douane) où l’on jetait, dans une fosse commune creusée à cet effet, les cholériques que l’on ramassait sur la route, ce grand tapageur sauta à bas de la voiture et fit un pied-de-nez au charretier, qui resta tout stupéfait de voir Bill se sauver sans même lui payer sa promenade. Le cabotage du véhicule avait dégrisé mon homme. On le vit encore faire les cent coups durant quelques années.

* * *

Parvenu au plein développement de sa croissance, Montferrand était très bien proportionné et d’un port imposant. Ses bras, longs et nerveux, descendaient jusqu’aux genoux les doigts étendus, avantage précieux qui lui permettait de tenir un antagoniste à dis-