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PIERRICHE

Tout cela avait pris du temps ; quand Pierriche, essoufflé, à moitié rendu, rentra chez lui, les volailles, les deux oies et le jars boiteux se disputaient les restes de la pâte.

Évidemment tout conspirait contre ce pauvre Pierriche, et le malheureux ne savait plus à quel saint du paradis se vouer, ni que faire pour réparer autant que possible cette déplorable avalanche de désastres successifs.

Toujours est-il que Pierriche ne fit aucune cérémonie pour chasser, même brutalement, de son logis, les volailles, les deux oies et le jars boiteux ; et afin de prévenir leur retour, il ferma la porte avec rage.

Mais ici se présentait une autre difficulté : la porte demeurant fermée, Pierriche perdait de vue sa vache qui paissait dans le sentier menant au bas de la butte, et rien ne lui prouvait suffisamment qu’elle ne retournerait pas rendre visite à ses choux.

Alors une idée lumineuse traversa l’esprit de Pierriche. Il prit la corde à linge, longue de plusieurs brasses, adapta un nœud coulant à chaque extrémité et courut en placer un autour du cou de la vache. Puis, comme il ne pouvait tenir la porte ouverte, il fit passer la corde par une petite lucarne qui se trouvait au-dessus, la coula sur une des poutres qui soutenaient le plancher de haut et se plaça autour du corps l’autre nœud coulant.

De cette manière Pierriche devait se trouver averti des moindres changements de direction de sa bête.

Ces dispositions terminées, comme il s’en allait midi, Pierriche songea sérieusement aux préparatifs du dîner.