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PIERRICHE
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Sitôt qu’au détour du chemin Pierriche eut vu disparaître sa petite famille, — car si bourru, si grognon qu’il fût, Pierriche, ce bon Pierriche se serait fait couper en quatre pour sa femme et ses enfants, — il rentra dans sa chaumière et demeura quelques moments indécis, en peine de ses bras vigoureux, ne sachant pas comment commencer cette besogne toute nouvelle pour son tempérament et ses habitudes.

Enfin, comme il fallait commencer par quelque chose, le bon Pierriche retroussa bravement ses manches de chemise, et se mit à ranger, le mieux qu’il put, c’est-à-dire le plus gauchement possible, tout ce qu’il y avait à ranger ou à déranger dans son intérieur. Puis vint le tour du balai qu’il réussit à casser, car il le manœuvrait à tour de bras comme un fléau.

Sur ces entrefaites, l’enfant, le Benjamin de la famille, qui sommeillait dans le berceau, fit mine de se réveiller, et Pierriche — dans sa précipitation — jeta par la fenêtre, d’une manière si raide, le tronçon du balai qui lui était resté dans les mains, qu’il cassa la patte de son jars, ce qui ne l’empêcha pas de bercer le petit.

Tout en berçant, il lui vint à l’idée de faire du pain.

Pierriche monta dans son grenier, en descendit une poche de farine qu’il vida dans la huche, et se mit à pétrir la pâte avec fureur.

On était alors dans la canicule, et le soleil. — un beau soleil du mois de juillet, — jeta par la porte ouverte des torrents de chaleur sur la huche et Pierriche qui tournait et retournait sa pâte en geignant et suant à grosses gouttes.