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PIERRICHE

femme n’est qu’une femme…… et un homme fait dix fois plus de besogne dans sa journée qu’aucune créature dans tout le pays.

— Oui-dà ! reprit Madelon ; eh bien ! s’il est vrai qu’un homme fait dix fois plus de besogne qu’une créature, veux-tu faire mon ouvrage demain, Pierriche, et moi je ferai le tien ?

— Oh ! ah ! ah ! en voilà une bonne, exclama Pierriche, en souriant de son plus gros rire ; mais deviens-tu folle, Madelon ?

— Point du tout…… veux-tu, Pierriche, mon bon Pierriche ?

— Comme tu voudras, Madelon.

— Eh bien ! c’est fait…… à demain.

— Oui, oui, à demain, Madelon, et tu verras si une créature peut faire dix fois plus de besogne qu’un homme.

* * *

Le lendemain qui était le neuvième anniversaire de son mariage, Madelon prit le petit Baptiste d’une main, la faux de son mari de l’autre, et partit pour le champ, précédée de Pierrot et de Josette.

Pierriche la regarda partir d’un air narquois, et tout en l’accompagnant jusqu’au perron, il ne put s’empêcher de lui dire sous forme d’adieu, — tant il est vrai qu’on a beau vouloir chasser le naturel, il revient toujours au galop : —

« Oui, tu vas en faire de l’ouvrage ! Ah ! les femmes ! les femmes ! un homme fait dix fois plus de besogne qu’aucune d’elles en une journée. »