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UN MURILLO

La plus suave des émotions emplissait désormais leurs deux âmes.

— Voyons, à table ! à table ! s’écria Philippe Gendreau ; nous ne faisons que commencer.

Une autre voix répondit :

— À table !

Pas besoin de demander si c’était celle de Marcel Benoît.

— Monsieur Flavigny, je bois à votre heureux retour parmi les vôtres ! fit le bon curé en vidant le verre que venait de lui offrir le jeune médecin ; Dieu vous bénisse dans vos voies, et qu’il vous garde toujours digne de la sainte mère qu’il vous a donnée !

— Merci, monteur le curé, pour ces bons souhaits, dit Maurice Flavigny, en prenant la parole sur un ton tout particulièrement grave ; je vais essayer de m’en montrer digne dès l’instant.

Et, quittant son siège, il alla déposer devant la jeune institutrice, une enveloppe blanche, en disant :

— Mademoiselle, cette enveloppe contient un mandat de crédit sur la banque de Montréal pour dix mille dollars ; c’est une somme que je vous restitue.

— Hein ?

— Quoi ?

— Qu’est-ce que cela veut dire ?

— Cela veut dire, mes amis, répondit Maurice, que l’original du tableau que vous venez de voir appartenait à Mademoiselle ; que c’était l’œuvre d’un grand maître ; qu’il m’était tombé entre les mains d’une façon fortuite et pour ainsi dire providentielle ; que je l’ai vendu dix mille dollars, et que j’en remets tout simplement le prix à qui de droit.