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UN MURILLO

même, que « sa petite Suzanne » l’embrassait, ce soir-là, avec une effusion tout à fait particulière.

Et bientôt, au milieu des rires et des éclats de voix joyeuses, la bombance commença, après le bénédicité prononcé dévotement par la bonne dame sur cette table autour de laquelle se pressait tout ce qu’elle aimait au monde.

Le peintre était assis auprès de sa mère ; et à l’autre bout de la table, la jeune fille avait modestement pris place auprès de son cousin.

— Dites donc, s’écria Philippe Gendreau ; les messieurs et les petites dames — sauf vot’ respect, mame Flavigny — si on prenait une petite santé entre nous autres, ne serait-ce que pour avoir un petit speech de M. Maurice !

— Ça, c’est une idée ! ne manqua pas d’appuyer Marcel Benoît, jamais en arrière lorsqu’il s’agissait de seconder les vues de son ami et candidat.

— Alors, intervint le docteur en s’éclipsant un instant, si c’est comme ça, en avant ma surprise !

Et il revint avec deux bouteilles cachetées, qui, quoi que le lecteur puisse en penser, n’eurent pas l’air trop dépaysées sur la table de cette pauvre maison d’école de Contrecœur.

— C’est, ma foi, du champagne ! s’écria Maurice.

— Et oui ; du champagne et du bon ! fit le docteur en clignant de l’œil avec l’assurance d’un connaisseur.

— Un banquet alors ?

— Les restes de celui que mes confrères carabins m’ont donné la veille de mes noces, mon fiston ! C’est double fête.