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UN MURILLO

Au moment où Maurice Flavigny entrait dans l’église et se dirigeait vers le banc de Philippe Gendreau situé en avant, dans la chapelle de la Vierge, en face de la crèche de l’Enfant-Jésus, une voix sonore et douce, une voix de femme toute vibrante d’expression émue, et qu’accompagnaient les accords d’une harmonium habilement touché, entonnait le vieux noël de nos pères :


Ça, bergers, assemblons-nous !


Fut-ce simplement l’impression que tout cœur un peu vivant éprouve en revoyant la vieille église du village, ou bien l’effet que produisit sur lui cette voix au timbre d’or qu’il entendait pour la première fois ? Toujours est-il que le jeune étranger s’agenouilla, ou plutôt se laissa tomber à genoux, la tête cachée dans ses deux mains et la poitrine secouée par mille sensations étranges et toutes nouvelles pour lui.

Quand il releva les yeux, son Enfant-Jésus était là, qui le regardait avec un sourire ineffable.

Et, bercée par les chants naïfs et solennels de cette nuit toute remplie du mystère sacré, sa pensée entière se fondit en réminiscences douces et dans on ne sait quels vagues espoirs, qui lui montaient au cœur comme des bouffées d’attendrissement et de bonheur.

Peu à peu, la figure du divin bambino se transforma en une délicieuse figure de jeune fille blonde, au front virginal, aux yeux caressants et veloutés, aux traits réguliers et sereins dans leur expression de suprême bonté et de suave mélancolie.