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UN MURILLO

— Embarquez, embarquez, les créatures !…

C’était Marcel Benoît qui, suivant son habitude, secondait l’initiative de son camarade.

Et gling ! glang ! diriding !…

Voilà les deux équipages filant au grand trot sur la neige criarde, et sous un ciel criblé d’étoiles scintillant au fond de l’azur comme des pointes d’acier chauffé à blanc.

Gling ! glang ! glon ! diriding ! ding !…

Ils vont les petits chevaux canadiens, s’ébrouant dans la buée, secouant leurs crinières où le givre brode des festons et emportant, avec l’ardeur qu’on leur connaît, Maurice Flavigny et les fermières emmitouflées au fond des « carrioles », tandis que, debout sur le « devant », bien ceinturés dans leurs « capots » de chat sauvage, le « casque » sur les yeux, des glaçons dans les moustaches et les guides passées autour du cou, Philippe Gendreau et Marcel Benoit se battent vigoureusement les flancs pour se réchauffer les doigts — car l’air est vif et sec…

Et gling !… gling !… diriding !

Ils vont toujours les braves petits chevaux canadiens, encouragés par des sons plus sourds et plus lointains, que bientôt la rafale leur apporte par volées intermittentes.

Dang ! dong !

Ce sont les cloches, cette fois, les cloches de la paroisse qui chantent leur noël joyeux dans la nuit, au clocher à lanternes de la vieille église de Contrecœur, dont on aperçoit bientôt les grandes fenêtres illuminées de rose faisant contraste avec les pâles clartés du dehors.