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UN MURILLO

flexions, s’était tenu un peu à l’écart. Monsieur et madame Gendreau, monsieur et madame Benoît, je suis touché de votre démarche. Je sais que vous avez été d’excellents amis pour ma pauvre mère, et je suis heureux d’avoir l’occasion de vous en remercier. Quant au réveillon…

— Vous ne trouverez guère à vous régaler ici, interrompit Mme Flavigny.

— Ta ta ta ta !… C’est pas vous autres qui régalez, s’écria Philippe Gendreau. J’avons apporté tout ce qui faut. On sait ce que c’est quand on n’attend pas de visite.

— Voyons, Lisette, voyons Julie, s’écrie à son tour Marcel Benoît, montrez vos provisions. Tenez, regardez voir ça ! Deux paniers pleins : des tourquières, des tartes feuilletées, un soc, un dinde, des croxignoles — des vrais croxignoles de Noël, comme on sait que vous les aimez, madame Flavigny.

— Oui, oui, oui ! mais faut pas oublier de mentionner le reste, ajouta Philippe Gendreau avec un clin d’œil significatif et en tapant légèrement sur une petite cruche de grès au ventre rebondi ; de la Jamaïque du bon vieux temps, monsieur Maurice ; celle que votre père aimait. J’ai cru vous faire plaisir, et j’espère que vous la trouverez de votre goût. Pauvre M. le notaire, c’est le fond d’un petit baril qu’il m’avait donné le jour de mes noces !

Maurice Flavigny, le cœur tout remué par cette cordialité naïve, passait d’un groupe à l’autre, serrant silencieusement la main à tout le monde, trop ému pour remercier autrement.