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UN MURILLO

échange un objet qui ne peut m’être d’aucune utilité dans ce pays, mais qui — vous pourrez en juger par vous-même — vaut certainement, et plus, la somme soustraite. Je suis venu de Québec, il y a six semaines, à petites étapes et à pied. C’est un mode de locomotion auquel, je le sens, je ne me ferai jamais. Aussi je viens d’acheter un billet de chemin de fer pour Chicago avec votre argent. Dieu vous garde d’être jamais réduit à emprunter par ce procédé ! »


Point de signature.

Maurice Flavigny défit le rouleau, et vit apparaître la toile dont nous avons parlé plus haut. Il l’examina d’abord d’une façon assez indifférente. Mais plus il lui donnait d’attention, plus il sentait s’éveiller son intérêt.

— Voyons, voyons… murmurait-il avec anxiété. Si c’était possible !… Mais oui !… Ces traits… ce coloris… ce coup de pinceau… Jour de ma vie, serait-ce bien vrai ?… Un Enfant-Jésus de Murillo !… Et je suis moi, possesseur de ce trésor ! Ô ma bonne mère !…

Et Maurice Flavigny sentit de nouveau ses yeux se remplir de larmes. Il se rappelait qu’en passant à New-York il avait fait la connaissance de marchands de tableaux millionnaires — représentant des successeurs de l’ancienne maison Goupil, de Paris — qui lui avaient dit :

— Il doit y avoir de vieilles toiles de maîtres au Canada, dans les anciennes familles françaises. Si vous en rencontriez, et que les possesseurs voulussent s’en départir, songez à nous.