Page:Frère Gilles - Les choses qui s'en vont, 1918.djvu/80

Cette page a été validée par deux contributeurs.
80
LES CHOSES QUI S’EN VONT

Ordinairement, la journée du battage commençait après le train du matin, alors que le vent n’est encore ni régulier ni violent. Sur les dix heures, alors qu’avec le soleil il avait pris de la force, il fallait souvent dévoiler un peu, à moins que le vent lui-même nous eût prévenus ; alors on en était quitte pour aller cri les voiles dans les écores du ruisseau, sinon plus loin, piquées dans quelque banc de neige. Vers les quatre heures, avec le soleil baissant, le vent perdait de sa violence ; et comme en hiver la brunante vient vite, on avait autant d’acquet d’accoter le moulin, et d’aller faire le train du soir.

Plusieurs fois, pendant la journée, la grand’mère, derrière sa fenêtre, avait daigné arrêter son rouet, et après un coup de pouce à la câline, la main en abat-jour devant les yeux, elle avait suivi du regard les mouvements du moulin. Il était si joli d’ailleurs ! Qui ne l’aurait pas admiré lorsque sa silhouette grise se profilait sur le toit de chaume verglacé de la grange, aux bords duquel la poudrerie accrochait ses franges