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LES CHOSES QUI S’EN VONT

S’il ressoudait de la visite à la Grite — disons que cette femme d’habitant s’appelle ainsi — qu’Angèle la voisine vînt en relevée avec son tricotage ; ou bien que les filles à Karie vinssent passer l’après-midi pour écharpiller la laine ; comme elle était joyeuse de courir à la laiterie, et de pouvoir leur offrir un verre de lait avec une tranche de galette à l’anis. Sans doute, la Grite, comme toute Canadienne qui se respecte — je rappelle que nous sommes au temps des crinolines — avait toujours du sirop de vinaigre de côté : c’était surtout pour les étrangers, dans le temps des fêtes. Lorsque Monsieur le Curé passait dans la paroisse avec le marguillier-en-charge, pour la quête de l’Enfant-Jésus, la Grite ne manquait pas d’en sortir un flacon de l’armoire blanche du fond, et d’en offrir au vénéré visiteur, avec, dans une de ses belles assiettes bleues, des biscuits secs qui fondaient dans la bouche.

Cependant, le lait ne perdait pas ses privilèges pour cela, surtout pendant l’été. Les soirs, qu’il vînt des veilleux