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LES CHOSES QUI S’EN VONT

des pâturages. Notre saison agricole était terminée, et un romancier ne manquerait pas de dire en son style imagé, que « nous brûlions nos vies. »

Heureusement toutefois, que notre trésor d’illusions était intact. Quelle banqueroute si nous l’avions perdu : nous n’avions que cela. Dilapidé depuis lors, il ne m’en reste plus aujourd’hui que l’ignorance et la pauvreté, deux vertus qui, grâce aux promesses du Beati pauperes spiritu, vont me conduire au royaume des cieux. C’est toujours cela.

Avec nos illusions, nous avions encore en ce temps-là, l’amour de la vie, non peut-être d’une vie embaumée par l’idéal « petite fleur bleue au cœur d’or », comme l’appelle Théo. Gautier ; mais de celle que nous chantait la terre rajeunie dans la tiède atmosphère du printemps, alors que la joie descendait jusqu’à nous sur une échelle de rayons.

L’époque était venue des matins bleus et des midis blonds, au fond desquels les érables de la sucrerie se couvraient de bourgeons délicatement rosés que