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LES CHOSES QUI S’EN VONT

Le cavalier de cette blonde avait préalablement défriché un coin de sa concession et y avait bâti une maisonnette : c’est bien du moins. Il y avait ensuite disposé les meubles indispensables, chaises, lit, tables, huches, banc-aux-sciaux, tous faits de sa main. C’est là qu’après les noces, les nouveaux mariés installaient leurs effets, assurés que le bonheur les y avait précédés, et ils s’arrangeaient pour y vivre toute une vie, la plus douce du monde, en attendant l’autre bonheur et l’autre vie.

Dès les premiers temps de leur union, le nouveau couple pouvait voir de sa fenêtre, les animaux pacager au milieu des souches, des chicots et des abattis, à un bout de la terre faite ; tandis qu’à l’autre bout, la planche de blé, qu’une simple rigole séparait de celle du lin, commençait à épier. L’homme avait offert tout ce qu’il y a de plus fort : la terre, la maison, le lin, le blé ; la femme apportait ce qu’il y a de plus doux : le lait, la laine, la plume. Et c’était avec une généreuse fierté qu’ils mettaient en commun, avec leurs biens et leur santé,