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LES CHOSES QUI S’EN VONT

que ça chauffe ben l’épinette rouge ! mais qu’ils viennent eux autres, le fourneau sera paré en plein. » En attendant, il redresse et solide les piquets qui s’enfoncent aux angles du foyer, et qui soutiennent les perches formant le gril sur lequel le lin devra être chauffé.

De fait, tout semble bien paré. Les brayes ont été apportées la veille au soir, et sont disposées comme ci comme ça, tête bêche et n’importe comment, selon les caprices du terrain qui, dans une rochière, est malcommode en grand. « De ce coup-là — marmotte encore le père Colas qui gosse la poignée de la gaule pour fourgailler les tisons — j’cré ben que les v’lon. » On ne voit pourtant rien, mais le temps est si écho et le père Colas a l’oreille si fine, qu’il a entendu les pas cadencés du cheval descendant la charge de bottes de lin sur le pont de la batterie. On entend bientôt, en effet, le grinchage des héridelles sous le poids de la charge, le ballottement des moyeux et le bruit des roues qui écrasent en crichant les grignons de terre durcie. Enfin, la charrette res-