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LES CHOSES QUI S’EN VONT

pouvions déjà nous mettre au ratelage, en commençant, comme de raison, par le premier fanage du matin. Vous qui me lisez, dites ! avez-vous déjà râtelé ? Non ? Bien alors que Dieu vous bénisse ! mais je le regrette pour vous, car il vous sera difficile de bien comprendre tout l’agrément de nos foins.

Le ratelage était, à mon avis, le plus agréable travail des foins, mais non toutefois le moins fatigant, je vous assure. Pour le premier et le second rateleux, passe encore. Lorsque les créatures voulaient venir aux champs mordicus, c’était leur poste tout désigné, et il n’y avait vraiment pas de quoi les vanner. Mais leurs petits botteaux devenaient vite de vraies bottes de foin ; et celui qui fermait le rang en avait tout son raide à les relever. Quand le soleil plombe et qu’il n’y a pas une goutte de vent ; surtout lorsqu’on râtle en échaffourée, les rateleux deviennent trempes en navettes. Aussi, avant d’ouvrir un nouveau rang, on déterrait la cruche-à-l’eau, cachée sous le bout du rang, afin de se rafraîchir un peu le gorgotton.