Page:Frère Gilles - Les choses qui s'en vont, 1918.djvu/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.
107
LES CHOSES QUI S’EN VONT

On peut se demander maintenant, ce que vont devenir les écluses, pour lesquelles la nécessité d’amasser l’eau imposait des réparations annuelles. Ne vont-elles pas s’ouvrir pour ne plus se fermer, et s’en aller, elles aussi ?

Oh ! nos belles écluses, à deux ou trois niveaux différents ! Elles qui avaient la consolante mission de faire descendre un coin du ciel près des moulins ! Nos belles écluses, chutes Niagara en miniature, avec la blancheur irisée de leurs eaux tombantes sur les cailloux ! Hélas ! comme il n’y a pas de loi divine ou humaine pour empêcher un sot de faire une sottise, on verra un de ces énergumènes, ami du progrès, les ouvrir, sous prétexte qu’elles ne sont plus pratiques. Heureusement toutefois, que la bêtise humaine est impuissante à tarir l’eau des sources, et l’écluse devenue simple ruisseau, continuera tout de même à couler. Cela nous vaudra de garder nos petits ponts, nos charmants petits ponts rustiques, qui nous tendront toujours, eux, comme de vieux amis fidèles, leurs bras tremblants.