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sement sensible. Il s’était même mué en timide murmure — tante Mérance appelait cela « parler en piches-piches » — lorsque le père Braise parut dans la porte, et s’adressant à Céline :

— Il faut leur sucrer le bec, ma fille, car c’est la Sainte-Catherine, je compte bien. Puis se tournant cette fois vers les invités : Amusez-vous les jeunesses, trémoussez-vous un petit brin : parlez-moi pas des taons morts…

— Alors, on peut danser ? demanda Lafresnière, le plus beau danseur de la paroisse.

— Pour ça, non, répondit le père Braise subitement sérieux ; je l’ai promis à ma défunte femme : ni danses ni boissons ici-dedans. Jouez aux cartes, chantez, faites-vous étriver : vous serez moins fatigués demain et plus contents.

Puis se tournant vers la cuisine il ajouta d’une voix forte :

— Mérance !

— Jour du pays ! qu’est-ce qu’il a y donc ?

— Il y a qu’il faut préparer deux ou trois tables pour le jeu de cartes. Nous autres, les gens rassis, nous ferons bien un euchre, pas vrai les amis ?

— Pas de refus, pas de refus, répondirent en chœur les vieilles voix.

Céline avait déjà distribué les assiettées de tire et en recevait de chaleureuses félicitations. Aux tables-à-cartes, promptement préparées par Mérance, les parties de « dix » et de « quatre-septs » se multiplièrent avec régularité, cependant que perdants et gagnants n’oubliaient pas de pratiquer avec enthousiasme la soustraction sur les plats de tire. Sans que, d’autre part, la conver-