Page:Frère Gilles - L'héritage maudit, 1919.djvu/59

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 59 —

M. le curé laissa en partant le journal à son vicaire qui s’absorba dans un article de première page. Il était si intéressé d’y voir le faux se draper si habilement sous les dépouilles du vrai, qu’il n’entendit pas son vénérable doyen s’approcher de lui et profiter de ce qu’il tenait le journal élevé, à la hauteur de ses yeux, pour lire les faits-divers au recto de la feuille.

— Savez-vous que c’est terrible ? dit soudain le curé.

— Quoi donc ? répondit le vicaire en lui remettant le journal.

Le curé ajusta alors son pince-nez et lut à haute voix :

« Hier soir, dans une crise épouvantable de « delirium tremens », mourait sur le pavé de sa cour, Cyprien Lachance, propriétaire de l’étal du même nom au marché Bonsecours à Montréal.

« On a cru d’abord que la crise qui l’a emporté avait été provoquée par une blessure reçue dans une bagarre ces jours derniers. L’autopsie pratiquée sur son corps à la demande des médecins, a révélé que la perte du sang n’a fait qu’avancer cette mort causée en réalité par l’hypertrophie du cœur et l’atrophie des reins engendrées par l’abus des boissons alcooliques ».

Les deux marcheurs avaient repris leur promenade après que le curé eût plié le journal qu’il passa dans sa ceinture. Or, le vicaire savait que cela voulait dire : Attention, jeune homme ! regardez le bout de vos bottes avec humilité, et tendez en même temps l’oreille aux leçons prati-