Page:Frère Gilles - L'héritage maudit, 1919.djvu/57

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 57 —

elle quitta la chambre et descendit l’escalier qui conduisait à la rue.

On sonnait à la porte. Elle ouvrit et se trouva face à face avec le boulanger qui revenait pour le paiement de son compte.

Pendant que Céline entreprenait la tâche peu facile d’attendrir cet homme qui lui refusait le pain de ses enfants, avec une force qu’on ne lui aurait pas soupçonnée, Cyprien s’était levé sur son séant. Un peu étourdi d’abord, mais ranimé soudain par l’effort qu’il faisait, il sauta de son lit, se dirigea en chancelant vers la porte qui s’ouvrait sur l’escalier de service, étreignit de son bras sain la rampe et descendit. Arrivé dans la cour, il entra dans une petite remise qui se trouvait sous l’escalier même, et avec une sûreté de main qui dénotait une longue habitude, il ouvrit à tâtons une petite armoire et en sortit un flacon de whisky. Une flamme d’enfer dans les yeux, il but… glou… glou… jusqu’à ce qu’avec un cri rauque de bête qu’on étouffe, il tomba à la renverse.

À ce cri bestial, le petit Jules qui revenait de l’école et remontait l’escalier s’arrêta tout tremblant, tandis que du palier du second étage, un cri d’angoisse descendait : « Où est-il ? » C’était Céline qui, libérée enfin du boulanger, avait trouvé le lit vide.

Maria accompagnée du curé entrait par la porte du porche, dans la cour toute plongée dans l’obscurité, lorsqu’elle entendit la voix désolée de Céline. Elle n’eut le temps ni de répondre ni même de comprendre le sens de sa demande ; avertie par la trombe d’un auto, elle dût se jeter