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Justin qui venait enlever Cyprien au saut du lit pour une excursion à Dorval. Comme Céline pressait son mari de ne pas manquer la messe, Justin qui avait fait avec soin le programme de la journée, l’assura qu’ils l’entendraient ensemble à Saint-Henri, où il avait donné rendez-vous à d’autres pique-niqueurs. Ils partirent.

Céline, on le pense bien, passa la journée dans toutes les transes. Elle n’avait pas tort, car Cyprien ne rentra ni le soir, ni le lendemain, ni le surlendemain.

Ce dernier jour, mardi, le boulanger se présenta avec son compte du mois. Céline qui avait mis en réserve le montant pour le payer, ne trouva pas tout d’abord son porte-monnaie à l’endroit où elle l’avait déposé. Tout en s’accusant de perdre la mémoire, elle chercha partout, bouleversa ses tiroirs pendant que le boulanger, impatient, marchait, toussait… Elle fut enfin obligée de se rendre à l’évidence : Cyprien l’avait volée. Il fallut bien qu’elle affrontât la honte de dévoiler à cet étranger la conduite odieuse de son mari. Le fournisseur ne l’accueillit pas avec des mots trop tendres ; ce n’est qu’à force de supplications qu’elle obtint une semaine de répit, promettant de travailler, s’il le fallait, jour et nuit, pour le payer à l’échéance.

Céline se mit donc au travail avec un courage plus grand que ses forces. Le lendemain soir, c’est-à-dire mercredi, Cyprien rentra enfin dans un état impossible à décrire : les habits souillés comme s’il s’était vautré dans la boue du chemin ; le visage allumé et repoussant ; le langage immonde.