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le bout du pied ! Mais elle avait promis… et puis Céline l’attendait…

Après avoir averti France, qu’elle rencontra chemin faisant, elle entra à la maison, monta au grenier et en descendit une espèce de malle qui tenait du buffet et du corbillard, cerclée de larges rubans de cuir hirsute, et qui fermait au moyen d’une clanche de fer battu. Elle eût tôt fait de la remplir de mille choses qu’elle mettait régulièrement en réserve pour Céline : toile à tablier, écheveaux de laine, savon du pays, etc. La valise ne suffisant pas, elle dénicha un « porte-manteau » en tapis de Bruxelles, fleuri de roses magenta et de « piônes » safran, et le remplit avec la même ardeur. Laissons-la maintenant, sans interrompre ses soliloques, sortir sa robe de mérinos, son châle à têtes de violons, et son chapeau de soie puce. Précédons-la à Montréal où Céline l’attendait.

Dans leur nouveau logis de la rue Maisonneuve où nous avons laissé Cyprien et Céline, la tranquillité et la paix avaient amené le bonheur, un bonheur bien précaire sans doute, mais dont ils ignoraient la douceur depuis bien longtemps. La conversion de Cyprien — base de cette félicité — ne pouvait pourtant pas assurer à cet édifice une solidité à toute épreuve. Céline le craignait bien, mais elle espérait encore davantage le contraire.

Hélas ! cette conversion sur laquelle elle fondait tant d’espérances dura tout juste ce que durent… les roses…

Un dimanche, de grand matin, Céline vit un auto à s’arrêter à la porte de la maison. C’était