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l’eau… (fossette de ligne probable…) feras de l’argent… comme de l’eau, quoi !… mourras vieux, vieux…

Puis tournant les cartes mises en écarté, elle ajouta, comme en confidence, mais de manière à être entendue de tous :

— Ton désir est accompli ; mais, Jour du pays ! ça picosse bien plus que ça cœurasse…

Et tante Mérance s’enfuit en faisant une révérence à l’antique, requérant sur son passage l’aide de France pour transporter les tables. Le jeu de cartes, interrompu un instant par la sorcière improvisée, était repris avec cette ferveur qu’y mettent les gens que cela n’embête pas.

Autour des joueurs, de printanières sibylles tiraient des horoscopes, sans permettre qu’on dédaignât les blondes croquettes de tire, par la douceur desquelles le destin daignait atténuer parfois l’amertune de ses oracles.

Tante Mérance ne baillait pas aux corneilles, je vous prie de le croire. Entourée de plusieurs femmes (qui, sous prétexte de lui venir en aide, sondaient les armoires pour compter les piles de nappes et de serviettes) elle eût tôt fait de dresser la table.

Bientôt, une trentaine de convives y prirent place, tous disposés à faire honneur au menu, aussi abondant que peu compliqué. La femme à Pierre Lheureux demanda pour la centième fois, la recette du pain à l’anis que tante Mérance lui donna pour la centième fois en se disant en elle-même : « Elle est bien trop gratine pour en faire ». Les garçons faisaient étriver