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— Ma conscience ! je te trouve ostineux à soir comme rare de maîtresse d’école.

— Rien qu’un coup, tante Mérance, pour vous débarrasser.

— Bon, assis-toi là, et si d’autres en veulent des tireuses de cartes, qu’ils s’en plantent !

Tante Mérance, avec ses petits yeux glauques derrière ses grosses lunettes aux verres ronds ; son teint couleur de pain cuit sous les bandeaux grisonnants de ses cheveux enserrés dans sa câline « craquée à la française », ne ressemblait en rien à Meg Merillies, la fameuse sorcière de Guy Mannering. Elle mêla ses cartes avec componction, posa avec solennité sur la table le paquet que Cyprien coupa de la main gauche, bien entendu. Puis, à mi-voix, entre de longues pauses, tandis qu’autour d’elle en triple rang les figures se tendaient d’une façon comique :

— À la maison : du monde et du plaisir en masse… un blond fait les yeux doux à une brune… un petit pique entre eux deux… mortels quelquefois les petits piques, vous savez…

— Pour elle : Une brune qui reçoit une lettre où ça parle du jonc… pas l’air à lui faire du chagrin, c’est effrayant… est si entourée de cœur aussi… voyez-moi ça…

— Pour toi…

— Mérance ! cria le père Braise, réveillonne-t-on ce soir ou demain matin ?

— Jour du pays ! J’peux toujours bien pas sonner les cloches et puis suivre la procession du même coup. J’y vais dans la minute.

Puis debout cette fois, elle continua pressée :

— Pour toi : Un long voyage… passeras