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J’AIME À RÊVER.

Neuve-Saint-Eustache. Les coupables étaient Raynal et un nommé Leblond, plus jeune que lui de quatre ans. Ils furent arrêtés et passèrent devant la cour d’assises le 27 avril suivant. Malgré le témoignage très sympathique de Béranger et une défense très éloquente de l’avocat Ch. Ledru, Raynal fut condamné à six ans de travaux forcés, et Leblond à cinq.

Raynal ne subit guère que la moitié de sa peine. En 1834, nous le trouvons qui publie chez Perrotin, grâce à la recommandation de Béranger, un volume de vers, Malheur et poésie. L’année suivante, il mit son histoire en roman, avec ce titre trop franc pour n’être pas cynique : Le voleur. Le terrible incendie de la rue du Pot-de-Fer détruisit l’édition. Il en donna bientôt après une seconde, qu’il intitula moins effrontément : Sous les verrous.

Sa vie ensuite nous échappe, nous savons seulement qu’après avoir habité Lyon, en 1850, il se retira, avec sa sœur, à Bordeaux, où de 1851 à 1855 il publia plusieurs poésies, dont une, la satire les Sangsues, fut couronnée par l’Académie de la ville. Il y fonda aussi une revue bi-mensuelle, avec M. Célestin Gragnon, la Nouvelle Mosaïque du Midi. Qu’est-il devenu ? Nous l’ignorons, mais on voit qu’il s’était réhabilité par le travail, et s’était donné le droit de rester poète !

J’AIME À RÊVER



J’aime à rêver quand mon âme en délire
Plane inspirée au sein des immortels ;
Du dieu des vers j’ose prendre la lyre,
Et les humains m’élèvent leurs autels.
Comme un éclair quand mon rêve s’efface,
Quand sous mon toit j’ai dû me retrouver,
Sur ces autels, dont il n’est plus de trace.
J’aime à rêver.

J’aime à rêver sur le bord du rivage,
Quand échappé dans les plaines de l’air
Sur mon front pâle amoncelant l’orage
Un vent fougueux soulève au loin la tuer.