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BARBIER (Auguste)



Une révolution de Paris, colle de 1830, fit poète ce Parisien : il venait d’avoir vingt-cinq ans, et n’avait encore écrit que quelques vers, et un roman, le Mauvais garçon, en collaboration avec Alphonse Royer. Quand il vit, après les trois glorieuses, la bande d’affamés d’honneurs et de places qui se ruaient sur les débris du vieux trône, ; à la suite du nouveau roi, tous plus soucieux de leurs appétits que de la France et de la liberté, sa verve s’alluma par l’indignation. Il fit son premier ïambe, la Curée, qu’on lira tout à l’heure, bien digne, par l’entraînante vigueur du rythme choisi, d’Archiloque qui, suivant Horace, en fut le créateur :

Archilocum proprio rabies armavit iambo.

C’est dans la Revue de Paris de l’un des derniers mois de 1830 que cette pièce parut. « Tout à coup, dit Alexandre Dumas, au chap. 165e de ses Mémoires, tout à coup, en face de la Parisienne, et comme pour faire sentir le vide de cette poésie du temps de l’Empire, surgit la Curée, torche secouée par un poète inconnu. »

Ce chef-d’œuvre, cette merveille, cet ïambe plein de poudre et de fumée, de fièvre et de soleil, où la liberté passait d’un pied ferme, marchant à grands pas, l’œil ardent et le sein nu, était signé : Auguste Barbier. Nous poussâmes tous un cri de joie ; c’était un grand poète de plus parmi nous ; c’était un renfort qui nous arrivait, comme arrivent par une trappe et au milieu des flammes, ces génies qui viennent prendre part au dénouement des drames fantastiques.

L’an d’après, cet ïambe s’était fait légion : au lieu d’un seul, on en avait tout un volume, dont Sainte-Beuve salua la brûlante éclosion, et auquel fit fête le plus unanime succès.

Auguste Barbier était déjà loin, il s’en était allé par de là les Alpes, à Florence, à Rome, à Venise, chercher de nouvelles inspirations. Il rapporta, en 1833, de ce beau pays, qui n’était plus alors que celui des regrets, son recueil il Pianto, c’est-à-dire la Plainte. Pour ce bouquet de fleurs en deuil, il n’avait