Page:Fournier - Souvenirs de prison, 1910.djvu/57

Cette page a été validée par deux contributeurs.

XV

Que vos amis se taisent, ou bien… gare à l’Italien !

Placé entre ces trois personnages : le shérif, le gouverneur et le médecin, il ne me manquait rien de ce qu’il faut pour mourir promptement. Le seul malheur, pour ces messieurs, c’est que je ne tenais pas du tout à mourir. Il me restait, hélas, encore quelques articles à écrire dans les journaux…

Le gouverneur me disait :

— Vous êtes malade ? Eh bien ! voyez le médecin…

Là-dessus nous arrivait le docteur Robitaille.

— Vous savez, lui criais-je dans le cornet, je suis très souffrant.

— Ah ! oui, répondait-il, je comprends… Vous avez mal aux dents !

— Non, je suis souffrant… souffrant.

— Vous êtes mourant ???

. . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . .

Le troisième jour, je pris le parti de lui écrire.

Alors seulement il parut comprendre ; et c’est à dater de ce moment qu’il commença de m’envoyer des amers…

Deux jours plus tard, réduit à peu près à la dernière extrémité (je n’avais alors pas mangé depuis je ne sais quand…), je lui demandai, ni plus ni moins, s’il voulait m’assassiner.

— Voilà cinq jours, lui disais-je, que je vous supplie de me transférer à l’infirmerie. Vous voyez vous-même en quel état je suis : voulez-vous, oui ou non, me tuer ?

À quoi M. Robitaille répondait, en propres termes :

— Il vous faut d’abord voir le gouverneur. Moi, je ne puis pas outrepasser mes pouvoirs.