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C’est à quoi se bornaient, je crois, toutes mes distractions. Ah ! pardon, j’oubliais la principale : les visites.

Deux fois par semaine, — le mardi et le vendredi, — j’avais permission de recevoir des visiteurs. Alors, je descendais pour quelques minutes au parloir. Voici comment la chose se passa la première fois… et toutes les autres fois :

Un garde, envoyé par le gouverneur, se présentait à la porte du 17 et, d’une voix retentissante, s’écriait :

— Fournier… au parloir !

Fournier, justement ému par cet appel, quittait précipitamment Molière ou M. Faguet. Il jetait un dernier coup d’œil sur sa livrée, fixait solidement sur sa tête le panama d’infamie, et, d’un pas tranquille, se rendait au parloir.

Imaginez un réduit humide et très ténébreux, de huit pieds de profondeur par dix de largeur… Sur vous s’est refermée une porte massive, et vous vous trouvez en face d’une grille aux barreaux serrés qui, tout d’abord, vous empêche complètement de voir quoi que ce soit…

Mais peu à peu vos yeux se font à l’obscurité, et vous distinguez, à six pieds environ devant vous, une autre grille, tout aussi serrée, et, derrière cette grille, votre visiteur.

Alors, la conversation s’engage…

Le malheur, c’est que deux ou trois autres prisonniers, alignés à vos côtés devant les barreaux, reçoivent également des visiteurs. Pour se faire entendre, tous crient à haute voix… Vous criez vous aussi. Et cela fait le plus beau charivari du monde.

C’est alors, mon cher lecteur, qu’il vous aurait fallu me voir ! Ah ! pour crier je n’avais pas mon pareil…

— C’est vous, monsieur Landry ? disais-je au sénateur, que j’apercevais vaguement dans la pénombre.

— Oui, c’est moi… Mais ce n’est pas vous, n’est-ce pas ?… Ôtez donc votre chapeau, au moins, que l’on vous reconnaisse.