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VIII

Un beau dimanche.

La messe, obligatoire pour tous les prisonniers, se disait à neuf heures.

J’arrivai dans la chapelle, avec mes deux compagnons du 17, un peu en retard ; tous les autres détenus s’y trouvaient depuis plusieurs minutes déjà. Notre entrée causa quelque émotion : « mouvements divers et prolongés ». Je ne fus pas peu flatté d’apprendre que mon humble personnalité provoquait à elle seule cet intérêt. Non pas que ces messieurs fussent bien touchés de mon sort : seulement, pour eux, j’étais le nouveau. Sujet toujours digne de curiosité.

Le prêtre qui officiait n’en était évidemment pas à sa première messe, et j’entendis vanter par un voisin sa célérité. Nous fûmes bientôt au prône. C’était ce jour-là la solennité de la Fête-Dieu. Bref sermon sur le sujet, accompagné de conseils sur la façon de se conduire dans l’état difficile de prisonnier… Puis la fin de la cérémonie, l’Ite missa est, et le départ précipité des prisonniers pour leurs quartiers respectifs.

Tout à côté de l’autel se trouve une petite pièce, meublée d’une table et d’une chaise unique, où l’aumônier de la prison reçoit chaque dimanche, après la messe, les détenus qui ont à lui parler. Cette fois-là il y en avait bien cinq ou six. J’étais du nombre. Restés seuls dans la chapelle, sous la surveillance d’un garde, nous attendions le moment de pénétrer, chacun à notre tour, dans cette retraite.

Je goûtais, quant à moi, un grand bonheur à l’idée de pouvoir passer là quelques instants, en conversation avec mon aumônier. D’avance, je me figurais l’un de ces prêtres, débordants de charité ardente et d’humaine tendresse, comme j’en avais tant vus ailleurs, et tels qu’on se représente tout naturellement un aumônier de prison. Quelle