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MON ENCRIER

Non-seulement, comme Rochefort, dont je vous parlais l’autre semaine, Mistral est toujours droit et ferme, mais encore il a toute la souplesse d’un homme de vingt-cinq ans. Réellement, c’est du miracle, et cela ne s’explique pas. Sa démarche et ses gestes sont d’un jeune homme. Il étend les deux bras, il se renverse le buste en arrière, il se jette négligemment sur un fauteuil, avec absolument l’aisance qu’il pouvait avoir il y a cinquante ans.

Je lui demande comment il a pu se conserver de la sorte.

— Mon Dieu, me dit-il, que voulez-vous ? J’ai toujours vécu à la campagne, ici même, à Maillanne, bien tranquille et bien calme.

— Mais vous allez quelquefois à Paris ?

— Oh ! encore trop souvent… Tous les huit ou dix ans, depuis l’apparition de Mireille, j’y ai fait un séjour d’une semaine ou deux. Chaque fois, j’en suis revenu harassé. Il me fallait répondre à je ne sais combien d’invitations, aller déjeuner ici, aller dîner là, et ça n’en finissait plus.

— Et c’est une des raisons qui vous ont fait refuser d’entrer à l’Académie ?

— Voici. On m’avait fait l’honneur de m’offrir un siège sous la Coupole. Mais je ne pouvais accepter. On me disait, il est vrai : « Restez à Maillanne, nous vous élirons sans que vous