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UNE VISITE À MISTRAL

— Ah ! vous êtes du Canada… me dit-il. Et vous êtes venu voir notre Provence. Vraiment, vous ne tombez pas bien. La Provence sous la pluie, la Provence sans le soleil, ce n’est plus la Provence… Mais asseyez-vous, et causons un peu de votre pays.

Il me parla alors longuement du Canada et des Canadiens. Je vis qu’il était fort bien au courant de notre situation, du moins dans l’ensemble.

— Votre histoire, dit-il, m’a toujours passionné, et, si je n’étais pas si casanier, votre pays est un de ceux que j’aurais voulu visiter des premiers.

Il me questionne avec intérêt sur la littérature canadienne. Il connaît, au moins de nom, quelques-uns de nos auteurs. Il s’émerveille à l’idée des sources d’inspiration qu’offrent à nos poètes l’histoire et la nature canadiennes. Pour lui, s’il n’avait pas chanté la Provence, il aurait voulu pouvoir chanter un pays comme le Canada français.

C’est d’une voix chantante, nuancée d’un sensible accent provençal, qu’il me dit ces choses. Tout en l’écoutant, je l’observe ; et je ne puis en croire mes yeux : mon interlocuteur a soixante-dix-huit ans bien comptés, il vient de me le dire, et cependant, ma parole d’honneur, c’est à peine si on lui en donnerait soixante.