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UNE VISITE À MISTRAL

encore, je crois, fixé complètement la nature. Mistral, lui, n’écrit qu’en provençal.

— Le provençal ?… Connais pas !

— Le provençal, autrement dit la fameuse langue d’Oc, est encore aujourd’hui d’usage très répandu, dans un territoire peuplé par plus de douze millions de Français.

— Mais c’est tout de même un patois ?

— D’abord, vous saurez, mon cher député, que ce mot de « patois » ne comporte, pour les gens qui « savent », aucune signification méprisante, au contraire. Mais le provençal n’est pas un « patois », c’est une langue, et l’une des plus belles qui soient. Langue chantante, et poétique, et savoureuse : de la pure musique…

 
Parlez, car votre voix est la musique même,


dit Joffroy Rudel à la Princesse lointaine ; et c’est ce qu’à tout instant répète à Mireille le lecteur de Mistral… Je vous accorde que pour traiter des opérations de banque et de bourse, des bills « privés » ou des pots-de-vin, on pourrait sans peine trouver mieux, comme aussi bien pour discuter la télégraphie avec ou sans fil, les chemins de fer, les automobiles, les tramways et les mille détails de notre civilisation toute matérielle. Mais pour parler des champs, des coteaux, de l’azur, pour célébrer l’or des moissons, le bruit du vent dans les arbres, les fleurs,