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les auteurs français. Et, même si j’omets cette objection, il me reste toujours que vous ne pouvez trouver parmi toutes nos productions, prose comme vers, plus de douze ouvrages de troisième ordre, — et encore suis-je bien généreux.

Si j’avais un conseil à vous donner, je vous dirais : — “Cessez, Monsieur, de parler de notre littérature. Cela pourrait venir à vous faire tort auprès de nos rares Canadiens qui se donnent la peine de couper les feuillets des livres qu’ils achètent. On finirait — encore que vous déclariez très-expressément ne rien attendre de mes compatriotes — par prendre pour de la flatterie ce qui n’est que de la bienveillance très grande et très sincère.”

Et j’ajouterais :

“Continuez quand même, Monsieur, de parler de nous. Procurez quand même à nos rares écrivains la satisfaction douce et précieuse, et que rien ne remplace, de constater que quelqu’un d’intelligent s’occupe d’eux. Soyez-leur indulgent, et épargnez-leur non-seulement la raillerie mais aussi les jugements sévères. Ne perdez pas de vue le côté difficile et pénible de leur situation. N’oubliez pas que seulement pour apprendre à écrire le français avec correction ils sont tenus à des efforts énormes. Songez que l’anglicisme est répandu partout comme un brouillard devant nos idées. Pensez que nous