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tions étranges et monstrueuses, monuments de platitude, d’ignorance et d’enflure, ouvrages piquants à force de fadeur, où le cocasse atteint au sublime, chefs-d’œuvre d’humour inconscient et de sereine absurdité, — livres à faire pleurer, journaux à donner le délire. Je voudrais vous voir, sous ce déluge, pour vous demander votre avis sur l’utilité des parapluies et sur la valeur de la critique. Si vous n’attachez pas plus de prix à ces deux institutions, c’est qu’en France vous n’en avez jamais manqué ; aux maux que vous imposerait leur privation vous pourriez mesurer leur mérite. C’est ce que nous faisons, nous, Monsieur ; “croyez ce que vous ne pouvez voir du point où vous êtes, et ce que nous voyons, nous autres, du point de vue où nous sommes placés”.

Au reste, ce que je regrette surtout chez nous, ce n’est pas tant — et il s’en faut de beaucoup — l’absence d’une critique véritable, que la présence de ce simulacre de critique dénoncé par moi avec une virulence que vous vous déclarez inhabile à comprendre. Et j’ajoute que, cette sorte de critique, je ne la déplore pas autant pour elle-même que pour le triste état d’esprit qu’elle indique chez notre population. Je me suis probablement mal exprimé, mais tout ce que j’ai voulu dire, c’est qu’il n’y aura rien à espérer pour l’avenir de nos lettres tant que des gazettes comme celles dont nous sommes affligés