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MON ENCRIER

rez voir tout de suite l’indice d’un esprit débile et d’un jugement, pour le moins, sans solidité. Vous ne manquerez pas non plus, je suppose, d’y trouver la plus péremptoire des réponses à tout ce que j’ai pu ou pourrai jamais écrire de contraire à vos vues, — car qu’attendre de sérieux, je vous le demande, d’un homme qui n’est pas toujours tout à fait sûr lui-même de ses opinions, et qui l’admet !

Pourtant, je vous prierais de ne triompher de moi, là-dessus, ni trop haut, ni, surtout, trop vite. Que voulez-vous, confrère ? Il n’est pas donné à tout homme de s’empêcher de vieillir ; de conserver indéfiniment, avec la belle assurance de ses vingt ans, la touchante aptitude de cet âge à toujours trouver toutes choses simples, et claires, et sûres ; de continuer, enfin, tout le long de ses jours, à considérer avec des yeux et un cerveau d’enfant — pour donner ici une variante au mot célèbre d’Alphonse Daudet — non seulement la nature extérieure, mais encore les phénomènes mêmes de l’univers psychologique les plus obscurs et les plus complexes. La vie hélas ! est là qui nous pousse, et, de toutes nos illusions de jeunesse, notre confiance ingénue dans l’infaillibilité de la raison n’est pas la dernière qu’elle nous arrache : bon gré mal gré et quoi que nous fassions, le jour est tôt venu où, devant les leçons sans réplique de cette rude ins-